Il aurait pu, comme tant d’autres, tartiner sur les corsaires de Salé, la guerre du Rif, l’œuvre urbanistique du Protectorat, le cinquantenaire de la disparition de Ben-Barka, etc…. MAIS .. Non! il a choisi de sortir délibérément des sentiers battus, de nous apporter du neuf et il a donc travaillé sur un thème inédit et néanmoins capital pour la vie des Marocains : la naissance de la médecine vétérinaire moderne au Maroc, au XX e siècle. Sujet austère mais que ce franc-tireur salétin a su rendre captivant par ses découvertes et par ses mises en perspective inattendues.
D’une vieille lignée arabe de Salé, Jamal Hossaïni-Hilali a étudié sa spécialité en anglais au Royaume de Suède, tout en peaufinant son français par des lectures ecclectiques. C’est en particulier par l’Histoire de l’Art et l’Histoire politique que le docteur Jamal a abordé – sans préjugés, tel Aristote écrivant dans l’Antiquité son «Histoire des animaux» –un sujet de prime abord si prosaïque : la santé des bêtes. Il a d’abord découvert qu’un certain Mattéo Brondy (1866-1944), artiste animalier et paysager du Maroc protectoral et de l’Afrique occidentale coloniale, mais aussi vétérinaire militaire puis civil, fut pionnier en ces matières dans l’Empire chérifien avant de finir ses jours à Meknès, le «Versailles alaouite», qu’il mit dans l’orbite du tourisme culturel avant la lettre.
Parmi les autres figures marquantes, sulfureuses même parfois, mises au jour par notre «véto» à la plume curieuse: Emile Eyraud (1888-1954), un socialiste français anti-nazi devenu ensuite un farouche partisan du sultan-soliveau Mohamed Ben-Arafa et qui fut abattu en plein Casa le 30 juin 1954, probablement par un nationaliste marocain. Cependant Eyraud, avant de se reconvertir et dans la politique et dans le journalisme, avait été un vétérinaire assidu. Hossaïni-Hilali, sur ce sujet casse-gueule, a, je crois, réussi son pari de clarté et d’objectivité. Globalement, il parvient à nous intéresser à tous les aspects d’une aventure humaine et animale qui n’est évidemment pas étrangère au fait qu’aujourd’hui le Maroc possède l’un des cheptels les plus sains du Bassin méditeranéen.
********
Jamal Hossaïni-Hilali, «Des vétérinaires au Maroc sous le Protectorat français», Ed. Adrar, Rabat, 190 p. illustrées, 2015, 120 dh. Préface de Claude Milhaud, membre émérite de l’Académie vétérinaire de France.
in www.le360.ma
